Madness

C'est en 1976 que quatre kids londonien du quartier populaire de Camden Town, l'organiste Mike ? Monsieur Barso ? Barson, le chanteur et trompettiste Cathal ? Chas Smash ? Smith, le saxophoniste Lee ? El Thommo ? Thompson et le guitariste Chris ? Chrissy Boy ? Foreman, creent une petite formation de ska fortement inspiree par les rythmes rocksteady du chanteur jamaican Prince Buster: The Invaders. En 1979, apres trois ans de tournees dans les clubs de la capitale britannique, ils sont rejoints par le chanteur Graham ? Suggs ? McPherson, le bassiste Mark ? Bedders ? Bedford et le batteur Daniel ? Woody ? Woodgate et abandonnent leur denomination originelle pour se choisir une nouvelle identite, inspiree encore une fois, d'une chanson de Prince Buster: Madness.

Clairement situe dans la mouvance ska, bien qu'entierement compose de blancs, Madness evolue dans le sillage d'autres groupes tels que Bad Manners, The Selecter ou encore The Specials, alors locomotive de la scene ska londonienne, sous le patronage du label Two-Tones, cree par Jerry Dammers. Apres une tournee triomphale en premiere partie de The Specials, qui permettra aux 7 membres de Madness de se faire connaitre et reconnaitre du grand public, le groupe signe son premier 45 tours ? The Prince ?, un hommage a Prince Buster, a qui il doit son inspiration et son identite. Toutefois, en depit du succes de la chanson-titre, c'est surtout le morceau de la face B, la version quasi-instrumentale d'un vieux titre de rocksteady des annees 60, rebaptise ? One Step Beyond ?, qui imposera le groupe dans le milieu ska. Aussi festif que non-sensique, ? One Step Beyond ? deviendra vite l'ingredient indispensable des soirees pogos de la jeunesse contestataire anglaise et europeenne. Jerry Dammers ne s'y trompe d'ailleurs pas et encourage le groupe a mettre ce titre en avant sur l'album eponyme qui sortira en octobre 1979, assorti d'un clip-video tourne avec deux bouts de ficelle dans le salon de coiffure tenu par le pere de Suggs, qui imposera egalement les premisses de l'identite visuelle de toute l'oeuvre future de Madness. L'album, tres vite disque d'or, est un enorme succes commercial, mais qui laisse neanmoins un sale gout dans la bouche des sept nutty boys. En effet, la jeunesse du National Front anglais, gravitant a l'extreme-droite du mouvement skinhead, s'en empare et en en fait l'un de ses morceaux fetiches. Malgre tous les dementis produits, l'image de ? groupe pro-raciste ? collera longtemps a la peau de Madness. Il faudra plusieurs annees, interviews, et une chanson-reglement de comptes: ? Don't Quote Me On That ?, pour clarifier les choses et se debarrasser definitivement de cette sulfureuse reputation. C'est peut-etre cette recuperation involontaire et malheureuse qui poussera le groupe, tout au long des annees 80, a s'impliquer politiquement aupres des mouvements de gauche, lors de concerts de soutien au Parti Travailliste, a Greenpeace, ou encore a l'AAA (Artists Against Apartheid) et a produire quelques chansons ? engagees ? (? For The Wings of A Dove ?, ? The Sun and The Rain ?...), helas souvent percues comme des concessions offertes au politiquement correct, que les fans de la premiere heure n'apprecient guere, auxquelles ils reprochent le manque de folie furieuse des debuts, et le ton bien trop guimauve, resolument indigne du mouvement ska.

Sur la lancee de One Step Beyond, Madness sort l'album Absolutely en 1980, leur premier disque de platine, dont seront extraits les titres ? Embarassment ? et ? Baggy Trousers ?, suivi, en 1981 de Seven, autre disque d'or, porte par les tubes ? Shut Up ? et ? Grey Day ?. Des 1982, soit quatre ans a peine apres la formation du groupe, sort le premier best-of, Complete Madness, qui s'offrira meme le luxe de chasser les indeboulonnables Queen des sommets des charts britanniques. 1982 sera egalement l'annee qui, aux yeux des fans, verra sortir le dernier ? grand ? album du groupe, The Rise and Fall, dont est extrait le mythique ? Our house ? ainsi que les joyeusement foutraques ? House of Fun ?, ? Cardiac Arrest ? et ? Driving in My Car ?. Les tournees se succedent en Europe et aux Etats-Unis.

En 1984, Madness connait son premier split, avec le depart de Mike Barson, l'organiste, qui decide de quitter le groupe. Principal compositeur des grands succes du groupe, son absence sera synonyme de perte d'ame pour Madness. Les deux albums qui suivront en 1984 et 85, Keep Moving et Mad not Mad sont tres decevants, et seront boudes par les fans qui accusent les nutty boys d'avoir trahi l'esprit du ska pour produire une pop mollassonne, peu inspiree, a la limite de la variete. Les deux albums se vendent, mais les resultats sont tres loin des grands succes de leurs precedents opus. En prenant le risque de s'ouvrir a la pop, Madness, qui signe desormais chez Virgin, a perdu son public qui lui prefere la rage des groupes punks et oi dont les titres sont autrement plus enerves que les poussifs ? Michael Caine ?, ? Wings of A Dove ? et autres ? One Better Bay ?, chansons phares de leurs deux derniers albums. Madness aura beau tenter la sortie d'un second best-of, Utter Madness, le groupe ne se relevera pas de la mediocrite de Keep Moving et Mad not Mad, et se separera en 1986, d'autant que Suggs, le chanteur a entame une carriere solo en parallele, et que d'autres membres du groupe se sont d'ores et deja lances dans des projets personnels.

Quelques lives sortent de temps a autre, mais il faudra attendre 1988 pour voir le groupe se reformer quoiqu'imparfaitement puisque sans Bedford, Woodgate et Barson, mais avec Jerry Dammers, Bruce Thomas et Steve Nieve, sous le nom de The Madness, cette fois. Un album eponyme sortira, suivi de deux singles, mais le groupe sera vite victime de ses fans qui exigeront de lui qu'il reprenne systematiquement les vieux tubes de la formation originelle. Lasses de devoir eternellement rejouer leurs vieux succes, et de voir les nouveaux titres boudes, The Madness splite a on tour en 1989. D'autant qu'a cette epoque, le flambeau du ska agite a ete repris par toute une vague ska-punk venue de Californie et qui, quelques annees plus tard engendrera des groupes comme Offsprings, Blink 182 ou encore Limp Bizkit. L'alchimie ne semble plus fonctionner des lors qu'un membre du groupe, au moins, manque a l'appel. Le public veut Madness, le Madness des debuts, non un quelconque ersatz, et ne semble pret a renouveler sa fidelite aux mods de Camden Town que des lors qu'ils respectent cette regle non ecrite.

La compilation Divine Madness, en 1992, fait renouer le groupe avec le succes, qui se concretisera par le concert mythique a Finsbury Park, Madstock, l'ete de cette meme annee, termine par une reprise, en forme d'hommage, du celebre ? The Harder They Come ? de Jimmy Cliff. Concert qui ne sera toutefois qu'un happening, car Madness ne s'est reforme que pour l'occasion. De 1992 a 1999 ne sortiront que des lives et autres compilations, le groupe s'etant, dans l'esprit des fans, definitivement separe. Toutefois, en 1999, le groupe cree le buzz en se reformant encore une fois pour sortir un album, Wonderfull, qui renoue avec l'esprit delirant et festif des debuts. Madness n'a plus rien a prouver et decide de ne se reformer qu'occasionnellement, le temps d'un unique album, et de laisser chacun de ses membres suivre ses projets solos entre-temps.

Separation qui ne sera que le premisse d'une nouvelle reconstitution du groupe puisqu'en 2001, les membres de Madness se reforment en secret pour feter leurs 25 ans de carriere. Decidant de sortir un album de reprises de titres ska, rocksteady et reggae, les nutty boys enregistrent plusieurs demos et les testent en secret aupres d'un public restreint en jouant dans les arrieres-salles et les bars de Camden Town, et notamment au Dublin Castle, club qui avaient vu les debuts du groupe en 1979, sous le nom de The Dangermen. Ce retour donnera naissance a l'album The Dangermen Volume I, dont le titre-phare ? Shame & scandal in the Family ?, se classera en tete des ventes pour l'ete 2005, renvoyant sans pitie toutes les danses de l'ete latino-exotico-tropico-pouet-pouet et autres comedies musicales molles du genou dans les poubelles de la variete dont elles n'auraient jamais du sortir. ? Hey, you ! Don't watch that, watch this ?... Les quinquagenaires du ska sont de retour, et ils petent la forme !

Copyright 2010 Music Story Benjamin D'Alguerre