Intéressé très tôt par la musique, même si ses parents ne sont pas musiciens professionnels, il prend ses premières leçons de piano à l'âge de 7 ans, devient quatre ans plus tard soliste au Chicago Symphony Orchestra et interprète le concerto en ré majeur de Mozart, puis le concerto Brandebourgeois n°2 de Bach. Il se prend de passion pour le jazz à l'écoute d'Oscar Peterson et de George Shearing. Une nouvelle orientation qui lui fait abandonner le concerto alors qu'il prépare vers la fin des années 1950 un diplôme d'Ingénieur au Grinnell College. Il y remportera d'ailleurs un prix de composition musicale. Son jeu de piano classique accompli est doublé d'un talent certain pour jouer le jazz et le rythm 'n blues. Durant les années 50, à Chicago, il accompagne Lee Morgan, Hank Mobley et Donald Byrd. A la Roosevelt University de Chicago, il approfondit sa culture musicale, puis étudie à la Manhattan School of Music, notamment avec Vittorio Giannini. Il donne son premier concert avec des musiciens de renoms comme Coleman Hawkins. En décembre 1960, il rejoint Donald Byrd, son mentor, qui l'introduira chez Blues Notes. Il travaille ensuite avec Phil Woods et Oliver Nelson, accompagnant quelques chanteurs et faisant ses premières apparitions à la télévision.
John Tynan voit en lui « un nouveau soliste de grand talent, avec un énorme son énergique, en pleine maturité et une conviction franche ». Encouragé par Byrd, Herbie Hancock l'accompagne sur la route de New York en 1961. Il enregistre pour le label Blue Note et y rencontre entre autre Phil Woods et Oliver Nelson. Sa collaboration avec Alfred Lion perfectionnera ses facultés de pianiste et de compositeur. Il participe au Free form de Byrd et démarre sa carrière solo jazz en s'ouvrant aux nouvelles expérimentations et aux sons d'Amérique Latine (Cuba, Brésil). Son premier album Takin' off (Décollage), paru en 1962, est un succès immédiat.
Fort de son succès populaire, Miles Davis l'invite en mai 1963 à le rejoindre pour un contrat de cinq ans en devenant membre de son nouveau quintette. Herbie Hancock ne prend pas au sérieux cette proposition, songeant qu'il ne s'agit que de rumeurs, mais il finit par accepter sur les conseils avisés de Donald Byrd. Cette formation historique regroupa Ron Carter, Tony Williams, George Coleman, et plus tard Wayne Shorter. Elle produit en 1963 Seven steps to heaven. Dans l'histoire du jazz, la section rythmique Hancock, Carter et Williams sera l'une des plus originale et des plus brillante. A cette époque il enregistre à nouveau avec Donald Byrd pour A New Perspective et avec Grachan Moncur pour Some other stuff. Sa rencontre avec Miles Davis lui inspira Maiden voyage, album signé chez Blue Note. Sorti en 1965, le titre éponyme demeure encore aujourd'hui un classique du jazz. Empyrean isles et Speak like a child, enregistrés sous son nom, marquent par leurs innovations en cette fin des années 1960. L'album suivant ,The prisoner, est d'une harmonie jazz toute inspirée de Gil Evans, en plus des influences de Miles Davis. Ce titre évoque l'emprisonnement des afro-américains, et le premier morceau « I have a dream » est un hommage rendu au défunt Martin Luther King. La composition est inspirée de Stravinsky, (« Rites of spring »), qui est l'un des premiers musiciens à introduire le jazz dans la musique classique, façon cubiste. Il se rapproche également d'autres grands inventeurs noirs de cette époque tels que Quincy Jones. Enfin, pour le réalisateur italien Michel Angelo Antonioni, Il enregistre la bande originale du film Blow up, mélangeant jazz, pop et free jazz. Passée la période post-bop, Hancock accompagnera Miles Davis dans l'exploration des instruments électriques.
La rencontre avec Betty Mabry sera en effet déterminante pour Miles Davis. En découvrant Jimi Hendrix, qu'elle lui présentera, ainsi que James Brown et Sly and The Family, son parti pris électrique éclate bientôt au grand jour. En commençant par le studio, où il proposa à un Herbie Hancock surpris de jouer sur un Fender Rhodes et de l'utiliser pour l'enregistrement du prochain Miles in the sky, en 1968. Avec lui, Joe Zawinul et Chick Corea seront les pionniers de l'introduction des sonorités électriques, offertes par le piano Fender Rhodes, et électroniques, caractéristiques du synthétiseur Moog, dans le monde du jazz. Cet abandon des sons classiques choquera plus d'un puriste et critique jazz.
L'album Filles de Kilimandjaro annonce en grande pompe le parti pris pour l'électrique de Herbie Hancock. Il quitte le quintette en 1968, malgré son départ il apparaît encore derrière les claviers sur quelques enregistrements comme In a silent way (1969), Live-evil (1970), A tribute to Jack Johnson (1970) et On the Corner (1972). Inspiré du funk « Papa's got a brand new bag » de James Brown, il sort Fat Albert Rotunda en 1969, chez Warner Bros, pour l'émission télévisée Bill Cosby's Show regardée par des enfants admirateurs de RnB. Pionnier, le sextette, formé cette même année, avec le saxophoniste Bernie Maupin, se lance à son tour dans le jazz rock (le Lifetime de Tony Williams, fondé en 1968, demeure officiellement le premier du genre). Stanley Clarke, Weather Report, Eunir Deodato et Santana, se joindront eux aussi bientôt dans la fusion des genres.
Le sextette d'Herbie Hancock produira trois albums jusqu'en 1972. Hancock explore en premier lieu le monde de There's a riot goin' on, l'album maudit de Sly Stone. Durant cette période, couvrant les sorties successives des trois albums issus des sessions Mwandishi, le public réagit peu : difficile de toucher le public de Sly Stone avec des albums aussi cérébraux ! La formation est composée du batteur Billy Hart, du bassiste Buster Willliams et de Bennie Maupin. Il fait aussi appel à Patrick Gleason en 1971, spécialiste dans la programmation des synthétiseurs. A cette époque, les musiciens se donnent des surnoms anglais et africains et Hancock choisi le patronyme Swahili de «Mwandishi». Mwandishi (1970) et Crossings (1971), sortiront chez Warner Bros avant qu'il ne signe chez Columbia et ne sorte Sextant en 1972. La période Mwandishi se clôturera finalement par ce dernier album. C'est durant les sessions Mwandishi qu'il découvre le bouddhisme. Période difficile pour le claviériste du fait des faibles ventes et des salles de concert qui se vident : Herbie Hancock dissout le sextette. En étudiant le bouddhisme, il comprend que son rôle en tant que musicien est de rendre son public heureux. Il décide alors de faire quelque chose de complètement neuf. Fan de James Brown et de Sly and the Family Stone, il s'orientera désormais vers un jazz électronique très inspiré du funk.
En 1972, Herbie Hancock, ainsi que Bennie Maupin, participent à l'enregistrement de On the corner de Miles Davis, inspiré entre autre de Sly Stone. Ironie du sort, les ventes ne sont pas au rendez-vous. Mais la même année, à l'instar des «enfants de Miles», Herbie Hancock développe son propre concept musical en formant les HeadHunters. L'album du même nom est novateur et classe Herbie Hancock dans la cour des grands du jazz : Charlie Parker, Miles Davis ou Coltrane. L'année suivante, le second album des HeadHunters est lui aussi un succès. Avant de revenir à un jazz plus acoustique, en 1975, pour Man-Child, Hancock invite Johnny Guitar Watson et le futur guitariste de Funkadelic : Blackbird McKnight, Stevie Wonder y joue également de l'harmonica.
Alors que les HeadHunters produisent un troisième album, Survival of the fittest, en 1975, Hancock poursuit ses expériences avec des formations plus acoustiques. A l'occasion du festival New Port en 1976, qui lui est consacré, il reforme non seulement les HeadHunters mais invite aussi d'anciens musiciens hard bop sous le nom de VSOP. En 1978, Herbie Hancock apparaît sur scène lors d'un duo acoustique avec Chick Corea, son successeur claviériste au sein de la formation électrique de Miles Davis. Dedication (1974) et Sunlight (1978, avec une apparition de Jaco Pastorius à la basse), seront produits au Japon.
Passé les années 70, Hancock abandonne les deux synthétiseurs ARP de l'époque Headhunters pour adopter quelques 14 instruments, ce dès Mr Hands (1981). Ce dernier, ainsi que Magic windows (1981) et Lite me up (1982) prennent une tournure très disco que ses fans lui reprochent. Durant les années 1980, Herbie poursuit la fusion des genres et devient l'auteur d'immense succès pop. Il embrasse les années 1980 sur fond d'expérimentations électroniques, d'autant plus que ses innovations prennent parfois des allures visionnaires. En 1983, le très révolutionnaire hit « Rock it » entrouvre de nouvelles possibilités musicales et fait figure d'évènement fondateur du hip-hop avec l'introduction du scratch. Lui succède logiquement Sound system (1984) et Perfect machine (1988). Toujours dans les années 1980, il consacre un album à des reprises allant de Madonna à Prince et reforme les HeadHunters pour une tournée d'une vingtaine de concerts aux Etats-Unis. De 1985 à 1986, il consacre au Japon sa facette jazz avec Buster Williams, Al Foster, Ron Carter, Bobby Hutcherson. Durant cette décennie caméléon, Hancock reçoit en 1987 l'Academy Award pour la bande originale du film Autour de Minuit de Bertrand Tavernier.
En 1991, Hancock accompagne pour deux concerts ultimes à La Villette et à Los Angeles un Miles Davis condamné par le sida (d'après une information parue dans le New Musical Express, jamais confirmée). C'est en grande partie grâce à ce grand musicien qu'Hancock aime à propulser les musiques actuelles vers l'avenir. Durant cette décennie, DJ et rappeurs redécouvriront l'?uvre foisonnante de Herbie Hancock. Plus tard, pour l'album Future 2 Future, il invitera Rob Swift. L'album Gershwin's World, sorti en 1998, lui valu de recevoir deux Grammy Award. Caractéristique de son attachement à lier traditionnel et modernité, il reste une empreinte significative de son approche musicale. Mais les fans lui reprocheront d'abuser parfois de ces concepts, comme dans Possibilities (2005), loin en dessous de son potentiel musical.
En 2007, l'album River: The Joni Letters, hommage consacré à l'auteur-compositeur et chanteuse Joni Mitchell, recueille les lauriers de la critique et de la profession, récompensé par un Grammy Award.
En 2010, pour fêter son 70ème anniversaire, Herbie Hancock part à la rencontre de musiciens de tous bords pour enregistrer son album le plus ambitieux. The Imagine Project réunit une pléiade de stars : John Legend, Jeff Beck, Manu Katché,Tinariwen, Marcus Miller, Wayne Shorter, Los Lobos, James Morrison,Seal, Pink, Juanes, Derek Trucks, Dave Matthews et Anoushka Shankar.
Copyright 2010 Music Story Guillaume Enard
Herbie Hancock
Catalogue