Jacques Romain Georges Brel naît le 8 avril 1929 à Bruxelles. Son enfance, sans histoires et que l'on pourrait qualifier d'heureuse, ne le satisfait pourtant pas. Il décrira par la suite dans ses chansons (« Mon Enfance ») son ennui de petit garçon, et gardera toute sa vie ce regard sceptique sur le monde des adultes. Il connaîtra tout de même quelques joies en jouant dans des troupes de théâtre amateur. Il écrit déjà un peu, des nouvelles, et quelques poèmes qu'il commence à mettre en musique.
Peu intéressé par les études, il entre sous l'égide de son père dans la cartonnerie familiale. Ce travail lui déplaît tant qu'il songe sérieusement à une reconversion dans l'élevage de poules (!) Il décide de persévérer dans la chanson, et commence à se produire en public. C'est à cette époque qu'il rencontre Thérèse Michielsen, dite « Miche », qu'il épouse le 1er juin 1950. De cette union naîtront 3 filles, Chantal, France et Isabelle.
En attendant, Jacques Brel étouffe en Belgique. Dès 1952, il a fait ses débuts dans divers cabarets bruxellois, mais il veut plus. Il part tenter sa chance à Paris contre l'avis de sa famille - qui lui coupe les vivres - totalement rebutée par la puissance lyrique de ses interprétations et la violence des sentiments exprimés dans ses chansons, et surtout par sa liberté de ton. Après l’enregistrement d’une maquette 78 tours en 1953 (« La Foire » / « Il y a »), il est remarqué par Jacques Canetti, directeur du cabaret Les Trois Baudets et directeur artistique chez Philips, qui lui fait signer un contrat.
Ses débuts parisiens sont difficiles, le public, surpris par son style, le boude dans un premier temps. Malgré des conditions de travail parfois précaires, il a l'opportunité de jouer dans des cabarets réputés comme l'Ecluse ou les Trois Baudets, et même en vedette américaine à l'Olympia, où sa prestation est particulièrement appréciée de son directeur Bruno Coquatrix. Il croise régulièrement Georges Brassens qui le surnomme « l'abbé Brel », mais aussi Jean Ferrat et Guy Béart. En 1954, Juliette Gréco adapte une de ses chansons « Le Diable » , qu’elle finira par inclure dans son répertoire, une des chansons de son premier album, le 25cm Jacques Brel et ses Chansons, un échec relatif tourné en dérision par la critique.
En 1955, Jacques Brel rencontre Georges Pasquier dit « Jojo », qui devient son ami intime et lui sera fidèle jusqu'à la fin. L'amitié virile est déjà un des thèmes majeurs de son oeuvre, et Brel la célèbre dans plusieurs de ses textes (« Jojo »). La même année, il installe sa famille à Montreuil.
En 1957, son deuxième 33 tours avec « Quand On N'a Que l'Amour » connaît un large succès et se voit récompensé du Grand Prix du Disque de l'Académie Charles-Cros. Cette années, Brel fait la rencontre de François Rauber, un jeune pianiste qui devient son orchestrateur et lui conseille d’abandonner la guitare. C’est un autre pianiste, Gérard Jouannest, qui lui sert d’accompagnateur sur scène et permet à Brel une totale liberté de mouvement. Les bases de l'équation Jacques Brel sont posées : ses textes très puissants, la simplicité et la beauté des mélodies de Gérard Jouannest, soulignées par les arrangements et orchestrations de François Rauber, le tout sublimé par le lyrisme des interprétations du « Grand Jacques ». Dès lors, le succès ne rate aucun rendez-vous. Jusqu’en 1967, Brel enchaîne albums et tournées à un rythme infernal, jouant parfois plusieurs fois par jour, et cumulant jusqu'à plus de 300 concerts par an. La scène est un véritable exutoire pour cet artiste torturé par le trac qui vomit avant presque chaque prestation pour se transcender, et tomber d'épuisement à la fin.
Après un premier succès en première partie de Philippe Clay en 1958, l’Olympia est la salle de ses meilleurs concerts. Son réctial de 1961 avec son accordéoniste Jean Corti donne lieu à l’enregistrement d’un disque en public, ce qui est rarissime à cette époque. En 1964, il y crée « Amsterdam » devant un public en transe, avant de lui réserver ses adieux à la scène en 1966. Un autre de ses concerts resté célèbre est le récital de 1963 au Casino de Knokke-le-Zoute (Belgique), où il crée « Mathilde ».
Jacques Brel est un boulimique du travail, un hyperactif, ce qui laisse peu de place à une vie de famille : en 1958, sa femme décide de retourner vivre (et accoucher d'Isabelle) au calme en Belgique car l'artiste est continuellement en tournée. Outre ses albums personnels truffés de classiques (« La Valse à Mille Temps » en 1959, « Le Plat Pays » en 1962 et « Les Bonbons » en 1964), il particpe à des projets parallèles. Il enregsitre un disque pour le magazine Marie-Claire comprenant « L'introduction à la Nativité » et « L'Evangile selon Saint-Luc » (1958), ainsi que le conte musical Pierre et le Loup (1963) pour la Radio-Télévision Belge. En 1962, il quitte Phillips pour Barclay.
Le 21 août 1966, Jacques Brel, épuisé, annonce à ses musiciens sa décision d'arrêter la scène. Après les adieux à l'Olympia d'octobre (où il prononce sa phrase restée célèbre : « Je vous remercie car ça justifie quinze années d'amour »), il continue pourtant de se produire en public jusqu'en 1967, uniquement pour honorer les contrats passés avant 1966.
Brel n'arrête pas pour autant toute activité artistique. Les disques qu'il enregistre par la suite (Jacques Brel 67, J'arrive en 1968) font montre d'une maturité artistique incroyable, tant au niveau des textes que de la musique et des arrangements. Ayant plus de temps à consacrer au travail en studio, les orchestrations sont plus abouties, utilisant par exemple des instruments jusque-là inédits dans ses chansons. Les textes et l'interprétation révèlent une sensibilité et une certaine sérénité que l'énergie nécessaire aux tournées perpétuelles ne permettaient pas d'exprimer.
Parallèlement, Jacques Brel entame une carrière de comédien. On le découvre en 1967 sur le tournage du film Les Risques du Métier d'André Cayatte. Son rôle le plus marquant reste celui qu'il incarne dans L'Emmerdeur (1973) d'Edouard Molinaro, où il crée l’irrésistible personnage de François Pignon. Il s'essaie également à la réalisation, essuyant des echecs commerciaux. On retiendra tout de même le film Franz (1971), où l'on aperçoit la mystérieuse et frêle silhouette de Barbara, qui compose une partie de la bande originale. En 1968, Brel travaille sur l'adaptation française de L'Homme de la Mancha, reprenant l'histoire du Don Quichotte de Cervantès. La comédie musicale, dans laquelle il joue le rôle principal, est jouée en 1969 et connaît un vif succès. Encore une fois, Brel se donne entièrement et transcende son personnage. Il sera contraint d'arrêter par épuisement après 150 représentations.
L’increvable « Grand Jacques » prend alors ses distances et assouvit d’autres passions : il passe les brevets de navigation nautique et aérienne, s'offre un voilier et effectue le tour du monde. Sa fuite en avant se mue en une inextinguible soif de voyages. Mais la fin est proche, et il le sent. Il a toujours fumé excessivement (allant jusqu'à plus de 3 paquets par jour), et malgré ses tentatives, n'a jamais réussi à s'arrêter. En 1974, des examens révèlent qu'il est atteint d’une tumeur au poumon, peu après qu'il ait appris la mort de son ami Jojo. Après avoir subi une opération, il repart sur les mers et finit par atteindre les îles Marquises, où il décide de s'installer définitivement.
Il revient néanmoins à Paris en 1977 pour y enregistrer ce qui sera son testament musical. Ce disque, que l'on appelle généralement Les Marquises, contient quelques-unes de ses meilleures chansons, et des plus déchirantes. Sans aucune promotion, l'album connaît un succès phénoménal. Mais Jacques Brel s'en moque, il est déjà de retour aux Marquises pour profiter de ses derniers instants. En juillet 1978, son état s'aggrave : il est rapatrié en métropole. Le 7 octobre, il est admis en urgence à l'hôpital de Bobigny où il s'éteint deux jours après. Son corps repose désormais à côté de celui de Gauguin au cimetière d'Atuona à Hiva Oa, dans l’île où l'a mené son coeur déchiré d'éternel instatisfait.
Copyright 2010 Music Story Mériadec de Rigaud
Jacques Brel
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