Pierre Perret, fils de cafetiers, naît à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) le 9 juillet 1934. Ayant grandi dans une ambiance très populaire qui lui permet de goûter la langue et la culture françaises dans toute leur saveur. Visant très tôt une carrière artistique, il intègre à l’âge de quatorze ans le conservatoire de musique de Toulouse, mais aussi le Conservatoire d’art dramatique.
Bien qu’ayant monté un petit orchestre avec trois amis, avec lesquels il joue du saxophone dans des fêtes régionales, le jeune Pierre Perret se voit avant tout comédien. Accessit de comédie au Conservatoire, il brûle les planches au sein de la troupe du Grenier de Toulouse et interprète les classiques. Mais son goût pour la musique, entretenu par de fréquents voyages à Paris au cours desquels il découvre les cabarets de la capitale, finit par décider de l’évolution de sa carrière : ce grand admirateur de Georges Brassens profite de son service militaire pour parfaire sa technique en étant incorporé en tant que musicien.
Parallèlement, il a le bonheur de faire la connaissance de son idole Georges Brassens, mais aussi de l’écrivain Paul Léautaud, relation qui enracine son amour de la langue française. Il commence déjà à écrire des chansons. En 1956, Pierre Perret est démobilisé et reprend sa carrière musicale en accompagnant à la guitare la chanteuse Françoise Marin, dite Françoise Lô, qui se produit au cabaret La Colombe. Il a l’idée, après le spectacle, d’interpréter un de ses propres morceaux au patron du lieu, qui lui propose aussitôt de l’engager comme chanteur.
Timide, Pierre Perret refuse et le propriétaire de la Colombe décide alors de lui forcer la main, en l’annonçant par surprise, un soir, à ses clients. Le jeune musicien se résout à monter sur scène et se fait adopter par le public. Remarqué par Boris Vian et par Jacques Canetti, propriétaire du cabaret Les Trois Baudets, Pierre Perret se trouve rapidement entraîné par un tourbillon de rencontres professionnelles, avec pour apothéose un contrat avec la maison de disques d’Eddie Barclay.
Chapeauté par son impresario Emile Hebey, Pierre Perret enchaîne les cachets avec les cabarets, sort son premier 45-tours (« Moi, j’attends Adèle »). Il réalise en outre, sur la scène de l’Olympia, un enregistrement pour l’émission de radio Musicora, qui contribue à le faire connaître du grand public.
Chutes et retours gagnants
Alors que la carrière de Pierre Perret semble bien démarrer, le chanteur est frappé par une pleurésie. Il est contraint de séjourner en sanatorium durant de longs mois, mais peut constater l’estime dans laquelle le tient déjà la profession quand un Musicora exceptionnel est organisé pour soutenir sa famille et payer ses soins.
En 1960, Pierre Perret peut enfin reprendre le chemin des studios et sort son premier album, Le Bonheur Conjugal. S’il commence à avoir une certaine cote d’amour, il n’est pourtant pas encore un gros vendeur et son relatif manque de rentabilité pousse Barclay à mettre fin à son contrat : après avoir été trahi par sa santé, Pierre Perret voit sa carrière se dérober. Le chanteur connaît une période de flottement mais, soutenu par son épouse Rebecca qui l’épaule activement dans la gestion de sa carrière, finit par trouver un nouveau label en signant chez Vogue.
Il trouve également un nouvel impresario en la personne de Lucien Morisse. Quand, en 1963, Pierre Perret remporte un succès magistral avec son disque « Le Tord-Boyaux », Barclay se rend compte un peu tard qu’il a laissé échapper un poulain de première catégorie. De plus en plus populaire, Pierre Perret aligne un succès après l’autre : en 1966, « Les Jolies colonies de vacances » devient l’un de ses plus gros tubes.
Yvonne de Gaulle, épouse du président de la République, se montre indisposée par l’esprit impertinent de la chanson et tente, de manière absurde, d’en interdire la diffusion aux radios, qui réagissent en redoublant les passages à l’antenne de la chanson, accroissant encore son succès. A la fin de la même année, Pierre Perret, après des années passées à assurer les premières parties de stars de la chanson, monte enfin en vedette sur la scène de l’Olympia.
Désormais chanteur de premier plan, le natif de Castelsarrasin est présent quasiment sans discontinuer sur les scènes françaises. Si sa popularité lui vaut de renouer en quelques occasions avec son premier métier de comédien (dont deux rôles en vedette, dans le film Les Patates en 1969 et dans Le Juge en 1971), mais Pierre Perret ne se laisse plus guère détourner de sa carrière de chanteur. Gentiment impertinent, élégant dans son écriture, l’homme s’est fait une place des plus enviables au sein des auteur-compositeurs-interprètes français à l’inspiration poétique.
Zizi mais pas zinzin
C’est en 1974 que Pierre Perret atteint le point culminant de son succès, avec le triomphe de la chanson « Le Zizi », qui réussit l’exploit d’aborder le sujet explicitement évoqué par son titre sans tomber dans la vulgarité : « Tout, tout, tout / Vous saurez tout sur le zizi / Le vrai, le faux / Le laid, le beau / Le dur, le mou », etc. Dans une France des années 1970 désormais libérée et décomplexée, la chanson de Pierre Perret, manuel d’éducation sexuelle drôle et enjoué, remporte un succès magistral : le 33-tours se vend à un million d’exemplaires, tandis que le 45-tours de la chanson-titre remporte la bagatelle de seize Disques d’or.
Porté par son succès, Pierre Perret s’essaie à des thèmes plus graves, avec notamment sa chanson « Lily », joli morceau d’un antiracisme aujourd’hui un peu convenu, qui remporte en son temps un grand succès et lui vaut en 1978 le prix de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme). En 1979, il signe l’album Mon P’tit Loup, dont la chanson homonyme compte parmi ses meilleures créations et dont il interprète les titres lors d’un concert à Bobino, puis à la Fête de l’Humanité devant 200 000 spectateurs.
Désormais monument de la chanson française, Pierre Perret multiplie les tournées, se risquant même à l’étranger et se produisant en Chine en 1983. Il ne se limite cependant pas à son activité musicale et pousse son amour de la langue française jusqu’à rédiger un certain nombre d’ouvrages : Les Pensées, La cuisine de ma femme, Le parler des métiers, Le Perret gourmand, etc., consacrés aux différents argots, au plaisir de manger et plus globalement à la joie de vivre et à la bonne chère.
Il remporte également un joli succès en réécrivant en argot les Fables de La Fontaine. Toujours très actif et populaire, Pierre Perret ne laisse pas les années entamer sa productivité. En 1998, il est moins heureux avec un album militant anti-Front National, La Bête Est Revenue, dont le ton dramatique peut faire sourire. Çui-là, un autre album sombre et engagé, est plus réussi.
En 2005, paraissent deux anthologies, Chante et Dessine Avec Pierrot !, un album réalisé avec et interprété par les élèves de l’école maternelle Pierre-Perret de Valence-d’Agen et Le Monde de Pierrot, qui reprend ses plus grands succès. S’il sort à la même époque une autobiographie, Le café du Pont, l’homme n’en est pas pour autant tourné uniquement vers les souvenirs et la nostalgie : en 2006 et 2007 sortent deux nouveaux albums, Mélangez-Vous !, qui se veut un hymne à la tolérance et au métissage, et Le Plaisir des Dieux, anthologie de chansons paillardes. Goûtant toujours à la vie avec le même sourire enjoué, Pierre Perret semble ignorer le mot retraite.
Copyright 2010 Music Story Nikita Malliarakis
- 2004