« Je ne veux pas de votre pitié ! », Randy Newman, lors de la remise de son Oscar en 2001.
Randall Stuart Randy Newman ouvre les yeux pour la première fois le 28 novembre 1943, à Los Angeles, en Californie. Il grandit dans une famille juive, entouré de l’affection de sa mère, employée de bureau, et d’un père spécialiste des maladies organiques.
Une hérédité chargée
Trois de ses oncles paternels sont des compositeurs renommés à Hollywood : Alfred, titulaire de neuf Oscars, Lionel, qui a composé la musique de Hello, Dolly !, et Emil, plutôt spécialisé dans le travail de télévision. Par ailleurs, les neveux et cousins de Randy Newman sont également compositeurs de musiques de films.
La Nouvelle-Orléans, où il est élevé par la famille de sa mère, marque d’une empreinte indélébile son enfance, allant jusqu’à lui offrir un très caractéristique accent sudiste.
Premières partitions
Après des études à l’Université de Californie, Randy Newman devient compositeur professionnel, et ce dès l’âge de dix-sept ans. Il enregistre, dans l’indifférence générale, son premier disque (« Golden Gridiron Boy »), en 1961, et se concentre alors sur la composition, offrant des chansons à Gene Pitney, Cilla Black, Alan Price, Jerry Butler, Irma Thomas, et The O’Jays : c’est pour lui l’occasion d’entendre pour la première fois ses chansons interprétées sur scène ou sur disque.
En 1963, il collabore au groupe de Santa Cruz The Tikis (qui devient par la suite Harpers Bizarre et dont le seul titre de gloire reste l’adaptation du « 59th Street Bridge Song » de Paul Simon & Art Garfunkel). Newman fournit pas moins de six chansons au groupe.
Premier disque
En 1968, son premier album s’intitule Randy Newman et porte le bandeau vindicatif Creates Something New Under the Sun (« [Randy Newman] crée quelque chose de neuf sous le soleil »). Le caractère mi-péremptoire mi-ironique de l’intitulé n’occulte pas les qualités d’audace de ce coup d’essai. Dès ces premières sessions, l'artiste prend l’habitude d’écrire du point de vue d’un personnage (marchand d’esclaves, industriel nordiste cynique), à chaque chanson différent : cela reste encore aujourd’hui sa marque de fabrique.
De plus, l’enregistrement parvient aux oreilles d’artistes tels Dusty Springfield, Nina Simone, The Everly Brothers ou Judy Collins, qui s’empressent de reprendre ces refrains. En 1968, le comédien et chanteur Harry Nilsson enregistre Nilsson Sings Newman, album entièrement consacré aux chansons de Randy Newman, lequel est par ailleurs présent au piano. L’enregistrement recueille beaucoup de lauriers, et est un succès populaire.
Douze chansons historiques
En 1970, le deuxième album de Randy Newman (12 Songs), où il s’entoure de musiciens reconnus comme le guitariste Ry Cooder, l’ancien guitariste des Byrds Clarence White ou Jim Gordon, alors batteur de Derek & the Dominos, ne soulève guère davantage de passion populaire (malgré la reprise de « Mama Told Me Not to Come » enregistrée par Thee Dog Night), mais est reconnu par la critique comme un album fondamental.
En 1971 est édité Randy Newman Live, premier disque du chanteur à être classé dans le Top 200 américain. La même année, il compose la musique du film Cold Turkey : il s’agit de sa première collaboration avec le cinéma.
Le succès, enfin
Sail Away (1972) permet enfin au chanteur de rencontrer un plus large public. La chanson-titre est reprise par Ray Charles et Linda Ronstadt, alors que « You Can Leave Your Hat On » est immortalisée – dans l’interprétation de Joe Cocker – lorsqu’elle est utilisée pour le compte de la bande musicale du film 9 Semaines et ½à l’occasion d’un torride strip-tease de Kim Basinger.
En 1973, l’ex-Beatle Ringo Starr inclut une chanson de Newman (« Have You Seen My Baby ») dans l'album qui porte son propre nom. En 1974 paraît le quatrième album studio de Randy Newman (Good Old Boys), pour lequel il retrouve Ry Cooder et où il dirige l’Orchestre Symphonique d’Atlanta. Le compositeur développe, dans ce concept album en évocation du Sud, une ironie et une ambiguïté, parfois difficiles à assimiler par un public européen. Vilipendant, dans la même chanson, les petits blancs racistes du Sud (incapable de différencier leur cul d’un trou dans le sol), et les nordistes, qui n’ont trouvé, selon lui, comme solution à l’intégration des afro-américains, que les ghettos de Watts, Newman délivre un message lucide, même si particulièrement acide, et non politiquement correct. Good Old Boys, c’est une première pour le chanteur, se classe dans le Top 40 des charts américains.
En 1977 est édité le cinquième album de l’artiste, un Little Criminals enregistré avec une partie des Eagles et qui recueille de nouveau un beau succès, entrant dans le Top 10. Mais, une nouvelle fois, Newman choque les auditeurs, incapables de percevoir le second degré de la chanson « Short People », considérée comme une charge contre les individus de petite taille, et qui s’attaque bien davantage aux gens affligés d’une courte vue, et de préjugés.
Difficultés
En 1979, l’album Born Again (incluant une charge – et un pastiche – contre le groupe Electric Light Orchestra) ne recueille qu’un succès d’estime. Deux ans plus tard, il signe la musique du film de Milos Forman Ragtime et en 1983, l’album Trouble in Paradise est porté par un nouveau single à succès, nouvelle charge ironique, le hit « I Love L.A. ». Randy Newman connaît alors une période difficile, sanctionnée par un divorce et le diagnostic d’un virus d’Epstein-Barr, herpès responsable de la mononucléose infectieuse et autrement dénommée « maladie du baiser ».
Au cinéma, tous les soirs
En 1984, il travaille pour le film The Natural, avec Robert Redford. En 1987, on relève son nom au générique d’Overboard, avec Kurt Russell. Un an plus tard, il collabore à Three Amigos !, avec Steve Martin.
En 1988, son nouvel album, évocation de son enfance néo-orléanaise (c’est bien la première fois que le compositeur se met en scène), s’intitule Land of Dreams. Il retrouve Steve Martin l’année suivante, pour le film Parenthood, puis figure au générique d’Awakenings, avec Robert De Niro et Robin Williams.
En 1990, il adapte le mythe de Faust pour un album et un spectacle dans lesquels il se réserve, naturellement, le rôle du Diable et compose la musique du film Avalon, de Barry Levinson. En 1994, il travaille aux côtés de Michael Keaton pour le film The Paper. En 1995, il écrit la partition de Maverick, film se déroulant dans le milieu du poker, avec Jodie Foster et Mel Gibson, et on peut également le voir au générique d’une production des studios Pixar, Toy Story. Il compose l’année suivante la musique d’une production de Tim Burton, James et la Pêche Géante, et celle d’un film d’animation, Cats Don’t Dance.
En 1998, il s’attèle à la musique d’une nouvelle production Pixar, A Bug’s Life, et à celle de Pleasantville, avec Tobey Maguire, puis, l’année suivante, à Toy Story 2. En 1999, l’album Bad Love interrompt onze années de silence du chanteur. En 2000, il compose la bande originale de Meet the Parents, avec Robert De Niro et Ben Stiller (ainsi que sa suite, Meet the Fockers, en 2004).
En 2002, Randy Newman est (enfin !) gratifié de l’Oscar de la chanson de l’année pour « If I Didn’t Have You », utilisée dans Monstres & Cie. En 2002, Randy Newman est honoré par le Songwriters Hall of Fame. En 2003, il compose la musique de Seabiscuit, évocation du monde des courses de chevaux, avec Jeff Bridges, et s’engage dans une tournée en solitaire, où il s’accompagne au piano (et qui fera l’objet de l’enregistrement de The Randy Newman Songbook Vol. 1).
La Nouvelle-Orléans, toujours
En 2005, la version que donne Aaron Neville de « Louisiana 1927 » (chanson qui figurait dans l’album Good Old Boys) est assimilée à un hymne par une Nouvelle-Orléans traumatisée par l’ouragan Katrina. En 2006, il signe la partition du film d’animation Cars.
En 2008, Randy Newman enregistre son douzième album de chanteur, Harps and Angels, compose la musique du film de George Clooney Leatherheads et travaille sur la partition d’une nouvelle production des studios Disney, The Princess and the Frog. Randy Newman compile tout au long de sa carrière un Oscar (et quinze nominations !), deux Emmys (réservés aux productions télévisées), et quatre Grammy Awards.
On a souvent qualifié Randy Newman d’anomalie dans le concert de la musique populaire américaine. On peut plutôt considérer que par son ironie, sa capacité à inventer des personnages de paumés et de marginaux, son talent à composer la musique la plus évocatrice qui soit, il se situe au sommet des compositeurs du siècle dernier. Terriblement américain dans l’amour pour son pays (et sa défiance à l’encontre de ses dirigeants). Et terriblement européen dans le nuancier, d’une grande finesse, dont sont riches ses créations.
Copyright 2010 Music Story Christian Larrède
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