Georges Brassens

Georges?Charles Brassens est ne a Sete, le 21 octobre 1921. Entre un pere entrepreneur en maconnerie, athee de tout son coeur, et une mere aux origines napolitaines, croyante comme peuvent l?etre les italiennes, Georges a tres vite compris que la vie pouvait etre une chose compliquee. Il a donc essaye de faire simple. Pas tres studieux en classe, il aime surtout blaguer avec les copains, ecouter des disques et apprendre les milliers de chansons que sa famille fredonne autour de lui. Des airs italiens (? O sole mio.. ?) chantes par sa mere, en passant par Charles Trenet, Tino Rossi, Ray Ventura ou Mireille, tout est bon a entendre, comprendre, aimer. A quinze ans, il ecrit ses premieres chansons sur des musiques de Trenet et sent l?aiguillon du swing titiller ses trouvailles. La mode du jazz-band, venue d?outre-atlantique et popularisee en France par Ray Ventura, marquera pour toujours la rythmique de Brassens. Le swing sera le coeur de son univers musical, souvent reduit a tort - les multiples adaptations ?jazz? de son repertoire le montreront ? a d?eternels accords, rejouant eternellement la meme melodie.

En 1936, Brassens a quinze ans et fait, apres la musique, l?autre decouverte de sa vie. Alphonse Bonnafe, professeur de francais au college de Sete, parle de poesie avec ferveur et brio, avec assez d?intelligence en tout cas pour captiver Georges, eleve approximatif mais desormais conscient de l?importance des mots. Neanmoins les charmes poetiques ont beau etre puissants, ils n?empechent pas Brassens d?accomplir son lot de sottises adolescentes. En 1939, il est surpris en compagnie d?autres jeunes lors d?un vol de bijoux. 15 jours de prison avec sursis : l?avenir n?est pas compromis mais la reputation en ville a du plomb dans l?aile. Pour calmer l?affaire, ses parents decident de l?envoyer chez une tante a Paris.

L?occasion est trop belle, Brassens s?installe donc dans la capitale en fevrier 1940. Comble de l?aubaine, la tante Antoinette possede un piano droit qui permettra au nouveau venu de se faire la main et d?improviser quelques melodies. Pour s?assurer un salaire, Brassens travaille un moment comme apprenti relieur, puis trouve une place de tourneur chez Renault, a Boulogne-Billancourt. Mais le quotidien de travailleur ne durera qu?un temps : le 3 juin 1940, une bombe s?abat sur l?usine et contraint les ouvriers au chomage. Apres deux mois a Sete pour l?ete, Brassens revient a Paris mais ne cherche plus de travail. Sa seule activite, desormais, est l?ecriture. A la venvole, son premier recueil de poemes, date de cette periode. Pendant deux ans, il mene une vie de boheme. Il ecrit, lit jusqu?a plus soif, frequente les bistrots populaires du 14e arrondissement et refait l?univers avec ses copains, sa plus proche famille. En fevrier 1943, l?envoi a Basdorf en Allemagne, pour le STO (Service du Travail Obligatoire) vient rompre l?equilibre sympathique de cette vie. Pendant un an, Brassens travaille comme il se doit, continue a composer des chansons ici ou la et noue de fortes amities. Entre autre, avec Pierre Oteniente, employe au Tresor Public qui sera ensuite son secretaire et homme de confiance. En mars 1944, des permissions sont accordees aux travailleurs francais. De l?avis general, c?est le moment de filer et de se faire discret. Brassens suivra donc ce conseil. Apres les deux semaines de conges autorises chez sa tante, il s?installe impasse Florimont chez son amie Jeanne Le Bonniec ? plus tard saluee dans ? La cane de Jeanne ? et ? Chez Jeanne ?.

En 1945, Brassens achete sa premiere guitare et peaufine sa technique sur les premieres chansons de son repertoire. Selon ses amis, il avait alors plusieurs dizaines de chansons a son actif : ? Bonhomme ? ,? Le mauvais sujet repenti ? sortiront plus tard en disque, presque inchangees ; les musiques de ? Brave Margot ?, ? Le gorille ? ou ? Les croquants ? sont deja composees. En 1946-47, Brassens s?offre une incursion dans le journalisme en collaborant a la revue Le Libertaire, portee par le mouvement anarchiste - dont il restera proche toute sa vie.

La vie de lecture, ecriture et musique se poursuit intensement, quoique chichement, pendant quelques annees. En 1947, Brassens rencontre Joha Heiman, alias ?Puppchen?, sa compagne jusqu?aux derniers jours. Puis en 1951, survient le tournant capital dans sa carriere : sur les conseils du chansonnier Jacques Grello, il tente sa chance dans les cabarets. Les premieres scenes se font au Lapin a Gil et au Milord l?Arsouille. La chance eclate plus vivement encore le 6 mars 1952, lorsqu?il rencontre Patachou.?Convaincue du talent de Brassens, elle accepte d?interpreter certaines de ses chansons (? Brave Margot ?,? Les bancs publics ?) mais le pousse a chanter lui-meme. Jacques Canetti, proprietaire des Trois Baudets, s?enthousiasme a son tour : il offre a Brassens un engagement pour la saison, mais egalement la sortie chez Polydor de quatre 78-tours (? Le gorille ? et ? Le mauvais sujet repenti ? ; ? La mauvaise reputation ? et ? Le petit cheval ? ; ? Corne d?aurochs ? et ? Hecatombe ?, enfin ? Le parapluie ? et ? Le Fossoyeur ?).

Le succes a pointe son nez et ne se dementira plus. Brassens se produit aux Trois Baudets et partage l?affiche avec Henri Salvador, Mouloudji, Lucie Dolene et Darry Cowl. Suivront un passage a la Villa D?Este, un premier concert a l?etranger (Bruxelles le 19 mai), une tournee de trente-six villes en France, puis Bobino en octobre. Les annees Brassens ont commence. L?Olympia, le Premier Prix de l?Academie Charles Cros, une tournee en Suisse, au Maroc, en Belgique et en France confirmeront sa reussite en 1954. En 1955, Tunis, Alger, Bruxelles puis la France entiere auront l?occasion de voir ou revoir sur scene le nouveau prodige de la chanson. Les disques, les tournees et les annees defilent, les passages a Bobino et l?Olympia se succedent.

Mais Brassens fait egalement ses premiers pas au cinema en 1956, en jouant et chantant dans Porte des lilas, adaptation du roman de son ami Rene Fallet (La grande ceinture) par Rene Clair. En 1964, il ecrit l?emblematique ?Les copains d?abord?, pour le film Les copains, d?Yves Robert. Il y aura aussi l?enregistrement de la chanson ? Heureux qui comme Ulysse ? en 1970, pour le film de son ami setois Henri Colpi, et la musique composee pour Le drapeau noir flotte sur la marmite de Michel Audiard, l?annee suivante.

En 1973, Brassens s?offre un detour a Cardiff pour un concert exceptionnel a l?University?s Sherman Theatre, qui donnera lieu en 74 a la sortie d?un disque live : In Great Britain. Les marques de reconnaissance pleuvent et Brassens, deja recompense en 1967 du Grand Prix de Poesie de l?Academie Francaise, recoit en 75 le Grand Prix de la Ville de Paris, puis le Prix du disque, remis par Jacques Chirac en 1976. Drole de destin pour celui qui connut quelques incompatibilites d?humeur avec la censure, notamment a l?epoque du Gorille !

La sante de Brassens, qui souffre depuis quarante ans de coliques nephretiques, ne lui permet plus ensuite de poursuivre le rythme effrene des tournees. Il enregistre en 1976 un double album instrumental de ses chansons (? Au bois de mon coeur ?, ? La femme d?Hector ?, ? Le temps ne fait rien a l?affaire ?, ? Chanson pour l?Auvergnat?, notamment) avec Moustache et les Petits Francais. Enfin, apres six mois de concerts a Bobino d?octobre 1976 a mars 1977, Brassens enregistre son dernier album consacre aux ? chansons de sa jeunesse ? (? Avoir un bon copain ?, ? Le petit chemin ?, ? Puisque vous partez en voyage ?), au profit de l?association Perce-neige, fondee par Lino Ventura.

Le 29 octobre 1981, Brassens quitte la planete. Il meurt a Saint?Gely?du?Fesc, des suites d?un cancer. Une cinquantaine de theses, l?enregistrement par Bertola ou Le Forestier des dizaine de chansons inedites notees sur des cahiers, se chargent d?eclairer son oeuvre et de la transmettre aux nouvelles generations. Plus de vingt ans apres sa mort, les mots de Brassens font toujours mouche. C?est peut-etre ca, la poesie ?

Copyright 2010 Music Story Noelle Hermal