Bourvil

Avant de tenir à l'écran des rôles de bon bougre un brin ahuri, notamment aux côtés de Louis de Funès, Bourvil démarra sa carrière en gagnant, en 1939, un radio-crochet à Radio Cité puis en chantant dans les cabarets parisiens des ritournelles naïves, tendance idiot du village. C'est en effectuant son service militaire dans la musique que l'apprenti boulanger normand comprit où était sa vocation... En 1946, il décroche son premier succès (dont il a écrit les paroles et Étienne Lorin, la musique), les Crayons, au refrain demeuré célèbre : « Elle vendait des cartes postales... et aussi des crayons ». Et récidive, dans la même veine de paysan ébahi, en 1949, avec « la Tactique du gendarme », dont il est aussi l'auteur des paroles (« La tacataca-tique du gendââârme ») et « À bicyclette ». En 1959, alors que Sacha Distel chante « Des pommes, des poires et des... scoubidou », Bourvil lance sa Salade de fruits (jolie, jolie), au propos plus que léger (« Tu plais à mon père, tu plais à ma mère »), qui séduit les 7 à 77 ans (Annie Cordy et Henri Salvador la reprendront à leur tour).
Un tendre.
Au même moment, il s'éloigne de la franche rigolade pour interpréter des chansons plus sentimentales : Le petit bal perdu (c'était bien) de Robert Nyel, que chantera aussi Juliette Gréco, « la Tendresse » et, surtout, la Ballade irlandaise. Personne ne voulait de cette chanson d'Eddy Marnay (musique d'Emil Stern) ; le manager de Bourvil, qui cherchait à casser l'image comique de son poulain, pensa qu'il serait idéal de lui faire chanter ces très romantiques paroles : « Un oranger/Sous le ciel irlandais/On ne le verra jamais/Un jour de neige/Embaumé de lilas/Jamais on ne le verra. » La réussite est parfaite : Bourvil s'avère un interprète sensible et intelligent, qui donne à la chanson une force poétique rare. Il poursuit dans la même direction avec « Mon frère d'Angleterre », dont Jean-Louis Murat donnera une très belle version en 1993... Pour la petite histoire, Bourvil fut le premier à chanter Michel Berger, qui lui avait proposé une chanson bizarre, sur une musique vaguement africaine, « les Girafes ». Il en fit un succès. En 1970, quelque temps avant de disparaître, il enregistre avec Jacqueline Maillan une parodie hilarante du « Je t'aime moi non plus » de Serge Gainsbourg.
Ne vous laissez pas abuser par ses mimiques d'hurluberlu et quelques ritournelles trop fantaisistes : Bourvil est, bel et bien, un des artistes essentiels de la chanson française.

Y. P.

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