Nat King Cole

Fils d’un pasteur baptiste, Nathaniel Adams Coles naît le 17 mars 1919 à Montgomery (Alabama, Etats-Unis). Il suit sa famille à Chicago, où son père a obtenu une paroisse ; après avoir montré des dons musicaux en interprétant au clavier la musique de la chanson « Yes, We Have No Bananas », il apprend à jouer de l’orgue avec sa mère. A cinq ans, il se produit en public pour la première fois. Il prend ensuite des cours de musique, et s’initie, au cours d’une formation intensive, au Jazz, au Gospel, et à la musique classique. Durant sa scolarité, le jeune Nathaniel, qui a formé son propre groupe au lycée, développe sa passion de mélomane, hantant les clubs de Jazz, et assistant à des prestations de gloires musicales comme Louis Armstrong ou Earl Hines. Encore adolescent, Nat Cole commence à jouer du piano dans des clubs, au sein d’un sextet animé par son frère aîné Eddie, bassiste. Les Eddie Coles Solid Swingers enregistrent un premier disque en 1936, et, droit d’aînesse oblige et nom du groupe oblige, c’est Eddie qui en assume la paternité. Dans les clubs, Nat gagne son surnom de « King », qu’il adopte bientôt comme nom de scène.

Hot Swing

En 1936, les Solid Swingers obtiennent un engagement de six mois au club The Panama, où Nat fait la connaissance de la danseuse Nadine Robinson, de dix ans son aînée, qui devient sa compagne. L’année suivante, Nat et Nadine obtiennent d’intégrer la troupe du compositeur et pianiste Eubie Blake, qui vient de monter la revue Shuffle Along, conçue comme un revival du Ragtime, et suit la tournée à travers les Etats-Unis. Mais le spectacle s’arrête finalement en Californie, à Long Beach, où Nat King Cole décide de rester. Il épouse Nadine Robinson et forme avec deux autres musiciens un trio musical qui se produit dans les clubs californiens. Mais Long Beach représente un marché limité et les conditions de travail de Cole, qui exerce souvent dans des locaux enfumés, sur des pianos désaccordés, ne sont pas très bonnes. Son talent lui vaut cependant d’être reconnu et d’obtenir des cachets de plus en plus importants : c’est finalement à Los Angeles, ville au potentiel autrement plus grand que celui de Long Beach, que Nat King Cole s’illustre ensuite avec un nouveau groupe : chargé d’animer le club Swanee Inn, il embauche Oscar Moore (guitare) et Wesley Prince (basse) pour l’accompagner. Un quatrième larron, Lee Young, était prévu pour être le batteur, mais ne se présente pas le soir de leur premier spectacle : qu’à cela ne tienne, le quartet devient trio et adopte aussitôt le nom de King Cole Swingers. Le groupe joue dans les clubs de L.A. et commence à enregistrer pour la radio, gagnant un début de notoriété. Nat King Cole, pianiste virtuose, est régulièrement chargé de l’accompagnement de diverses chanteuses, exécutant environ deux cent enregistrements en trois ans. Le trio de Nat King Cole continue de tourner, changeant son nom en King Cole and His Swing Trio, puis Nat King Cole Trio. Au cours de ses prestations dans les clubs, Nat King Cole se met à réaliser des prestations chantées : la légende veut qu’il se soit mis presque malgré lui au chant, luttant contre sa timidité, et poussé par l’insistance d’un spectateur un peu éméché. Le passage de Nat King Cole au chant se fit en fait de manière progressive, à la demande des spectateurs et des patrons de club, qui réclamaient davantage de morceaux chantés. En 1940, ils participent à un enregistrement avec l’orchestre de Lionel Hampton : mais Cole refuse l’offre de Hampton de rejoindre pleinement sa troupe, préférant garder son indépendance. Il continue à réaliser des enregistrements, souvent avec des musiciens comme Lester Young, Harry Edison ou Dexter Gordon. En 1942, Wesley Prince, mobilisé, est remplacé par Johnny Miller au sein du Nat King Cole Trio.

Avant les rock stars était le Jazz

En 1943, une prestation de Nat King Cole, interprétant la chanson « Straighten Up and Fly Right », attire l’attention de Johnny Mercer, l’un des responsables de Capitol Records, qui fait passer l’artiste sous contrat et l’invite à enregistrer chez eux. Le disque de « Straighten Up… », adaptation jazzy d’une chanson folk classique, se vend jusqu’à 500 000 exemplaires, assurant la gloire de Nat King Cole. Au fil des années, le pianiste-crooner devient l’une des figures de proue de Capitol, au point que certains lui attribuent une grande partie du développement du label. Cole adapte également son répertoire, faisant évoluer certains de ses morceaux vers un registre plus proche de la Pop. Sa version du titre « The Christmas Song », auquel il a l’idée de rajouter une forte présence d’instruments à cordes, assure en 1946 un nouveau succès magistral au Nat King Cole Trio, et devient l’un des standards de Cole. Nat King Cole lui-même a atteint un tel niveau de notoriété que les deux autres membres du trio sont réduits à n’être plus que ses accompagnateurs, ce qui entraîne le départ d’Oscar Moore, remplacé par Irving Ashby. A la mi-1947, Nat King Cole réalise un véritable exploit discographique : craignant une grève du Syndicat des musiciens, les maisons de disques demandent à leurs artistes maisons de produire des morceaux à la chaîne, afin de disposer de stocks de musique en cas de long conflit. Cole fait plus que s’exécuter et enregistre quatre-vingt chansons en six mois, produisant une telle masse de musique que l’éditeur se trouve débordé et n’arrive pas à publier tous les titres. Sortie en mars 1948, la chanson « Nature Boy » est l’un des plus gros hits de Nat King Cole, atteignant le million de disques vendus. Dans le même temps, le Nat King Cole Trio devient quatuor, avec le départ de Johnny Miller, remplacé par Joe Comfort, et l’arrivée de Jack Costanzo (percussioniste de bongos) : pour s’adapter à son expansion numérique, le groupe devient Nat King Cole and His Trio.

Center Stage

Mais qu’il soit trio ou quatuor, le groupe de Nat King Cole est réduit à la portion congrue, tant Nat, désormais bien davantage chanteur que pianiste, occupe désormais à lui tout seul le devant de la scène. Devenu l’un des artistes préférés du public américain, Nat King Cole chante fréquemment accompagné d’orchestres, et multiplie les duos avec les artistes maison de Capitol : Stan Kenton Woody Herman, Johnny Mercer, Dean Martin… On le voit même interpréter un duo avec sa fille Natalie Cole, future vedette Soul et R&B. Désormais très riche, Nat King Cole et sa nouvelle épouse Maria font l’acquisition d’une nouvelle propriété, jouant aux quasi-châtelains à défaut d’être toujours bien acceptés par leur voisinage. Le chanteur continue dans les années 1950 d’aligner les succès, avec des titres comme « Mona Lisa », « Too Young », et surtout « Unforgettable », qui devient l’un de ses titres fétiches. Malgré son contrat d’exclusivité avec Capitol Records, Cole continue à se produire dans des clubs ou à accompagner au piano les prestations de ses collègues jazzmen dans des enregistrements : afin de cacher cette entorse à son contrat, Nat King Cole se cache sous divers pseudonymes, dont certains (« Nature Boy », « The King »…) sont si transparents que d’aucuns estiment que Capitol Records ne pouvait qu’être au courant des infidélités de leur vedette maison, qu’elle aurait décidé de tolérer.

Le King est également présent au cinéma et à la télévision, interprétant souvent son propre rôle le temps d’un numéro musical, dans divers films et sitcoms télévisés. Charmant, délicat et bien élevé, Nat King Cole est un véritable manifeste anti-raciste à lui tout seul dans des Etats-Unis encore traversés de très fortes tensions ethniques et ségrégationnistes. En 1956, il réalise l’exploit d’animer sa propre émission de télévision, sur NBC : à défaut d’être la première émission animée par un Noir, The Nat King Cole Show est la première confiée à une vedette de couleur de l’envergure de Cole. Cette nouveauté ne fait pas l’affaire de la chaîne, aucun grand sponsor national n’acceptant de financer l’émission, mais de grandes vedettes comme Ella Fitzgerald ou Harry Belafonte acceptent d’apparaître en ne touchant que le tarif syndical, afin d’aider Nat King Cole. Frankie Laine, l’un des premiers invités de l’émission, a quant à lui l’insigne honneur d’être le premier artiste blanc à se produire dans un show animé par un noir. Mais l’émission ne dure qu’un an, faute d’avoir réussi à convaincre un sponsor : Nat King Cole, qui contribuait de sa poche pour financer le projet, finit lui-même par déclarer forfait. Cet échec, dont il ne porte guère la responsabilité, ne cause aucun tort à la carrière de Nat King Cole, vedette désormais internationale : populaire en Amérique Latine, il enregistre des albums en espagnol et en portugais, et s’exporte également en Europe. Il se produit au Royaume-Uni, dans un show en couleurs tourné par la BBC, et au Royal Command Performance en 1960.

Fumer tue

A la fin des années 1950, Cole remarque l’évolution des goûts du jeune public, qui commence à déserter le jazz pour le rock ’n’ roll : il enregistre « Send For Me », une chanson orientée rock qui obtient un bon résultat commercial mais ne signera pas une évolution décisive dans sa carrière. C’est plutôt auprès de son public traditionnel que le crooner continue de régner sans partage ; Nat King Cole ouvre la décennie 1960 avec de nouveaux albums, sortis pour fêter ses cinquante millions de disques vendus dans le monde : « Wild Is Love », « The Touch of Your Lips » et une sorte d’intégrale, « The Nat King Cole Story », consistant en nouvelles versions de ses anciens succès.

En 1962, il surprend quelque peu son monde en sortant deux albums de country, qui convainquent le public malgré la nouveauté. La voix de Nat King Cole, plus grave et plus rauque, a néanmoins changé : très gros fumeur, le chanteur commence à en ressentir les effets sur sa santé. A la fin 1964, les musiciens devant l’accompagner pour un enregistrement sont alarmés par sa perte de poids. En décembre de la même année, les médecins lui diagnostiquent un cancer du poumon : malgré une hospitalisation rapide, la maladie fait des progrès foudroyants et Nat King Cole meurt 15 février 1965, à Santa Monica (Californie), peu après la sortie de son dernier album, L-O-V-E. Après son décès, Nat King Cole continue d’avoir la faveur du public et garde son statut de légende éternelle du jazz ; il se montre même actif par-delà la mort : un album best-of devient Disque d’Or en 1968.

En 1983, Capitol « redécouvre » des enregistrements inédits de Nat King Cole, correspondant à sa période de surproduction en 1947, et sort l’album Unreleased. En 1991, enfin, Nat King Cole revient dans les classifications, avec à la fois une sortie de l’intégrale du Nat King Cole Trio (349 chansons réunies en un boîtier de 18 disques) et avec une version de « Unforgettable », où la voix de Natalie Cole est mixée avec celle de son père, réalisant un duo post-mortem assez original. Selon certains, de nombreux enregistrements continuent de dormir dans les caves de Capitol, attendant d’être redécouverts : la discographie de Nat King Cole, continent musical inconnu ?

Copyright 2010 Music Story Nikita Malliarakis