Dave

Dans le port d’Amsterdam, il y a des marins qui naissent : Wouter Otto Levenbach, alias Dave, passionné de navigation, fait partie de ceux-là. Il voit le jour le 4 mai 1944 dans la ville célébrée par Brel. A l’adolescence, il hésite entre la musique, la théologie et le droit. Conscient de sa verve, il décide de prêcher la bonne parole dans les prétoires. Néanmoins, Dave abandonne rapidement ses études d’avocat pour prendre la mer. Il quitte les Pays-Bas en 1965 à bord d’un bateau baptisé le « Justus ». Direction la France, l’autre pays du fromage…

Dieu m’a donné la foi

De port en port, Dave fait la manche avec Charles Brutus Mac Clay lorsqu’il croise à Saint-Tropez le chemin d’Eddie Barclay, en 1968. Il signe alors son premier contrat avec la marque Riviera. De 1968 à 1971, il enregistre pléthore de 45 tours: « Si je chante », « Quand on a quelque chose », « Qui peut dire à Nathalie ? » etc. Il participe aussi aux présélections de l'Eurovision 1969 pour représenter les Pays-Bas, sans être retenu avec la chanson « Niets Gaat Zo Snel ». Un sacro-saint concours qu’il commentera quelques décennies plus tard en compagnie de Marc-Olivier Fogiel, avec une ironie inhabituelle pour les téléspectateurs de France 3. En 1971, Dave obtient l’un des rôles de la comédie musicale Godspell dont Pierre Delanoë a adapté en français la version originale américaine. C'est un immense succès, qui dure près de deux ans.

A la recherche du temps perdu

En 1974, Dave s’essaye à l’adaptation en français de chansons anglaises. Son compagnon de toujours, l’auteur-compositeur Patrick Loiseau transforme « Sugar Baby Love » des Rubettes en « Trop beau ». Un premier vrai succès empreint de nostalgie, le fil conducteur de la carrière de Dave. Il enregistre également la version originale, désormais sous le label CBS. Dave enchaîne avec une autre adaptation « Vanina » (« Runaway » de Del Shannon), vendue à plus d’un million d’exemplaires. La mèche dorée, le regard azur, la voix pointue, Dave, nouvelle idole, séduit le même public que Claude François. A son apogée, il aligne les succès « Mon Cœur est malade », « Dansez maintenant » sans oublier le culte « Du côté de chez Swann » (1975) qui fait presque oublier la « version proustienne». En décembre 1977, il passe pour la première fois en vedette à l’Olympia, une salle où il revient chanter régulièrement. En 1979, il est même la vedette de Numéro Un, la célèbre émission produite par Maritie et Gilbert Carpentier.

Hier est loin, si loin d’aujourd’hui

Mais pour Dave, le compteur semble s’être définitivement arrêté cette année-là.Son style musical ne passe pas le cap des années 1980. Il écume alors tous les coins et recoins de France dans des galas et autres extras, avec un répertoire riche en succès, en tant que « vedette du show-biz ».

En 1995, sa compilation 20 Ans de Carrière, vendue à 200 000 exemplaires, le remet subitement en orbite. Il anime des émissions de télévision (Salut les chouchous sur TF1, d’abord avec Sheila, pendant un an, puis seul), publie son autobiographie Du côté de chez moi (1997) et tourne une publicité pour du fromage hollandais ! Son imitation de Michael Douglas (sans la frange), le consacre « bon client » des plateaux de télévision.

Son créneau : l’autodérision. On découvre alors un Dave à l’humour ravageur, féroce avec lui-même et les autres. Néanmoins, le chanteur ne se contente pas de faire un sempiternel tour du côté de Swann. Il tente un come-back avec des albums inédits comme Doux Tam-Tam (2004), et Tout le plaisir a été pour moi (2006). Dans le premier, constitué de reprises des années 1950-60, Dave partage son plaisir avec Kent, sa compatriote Keren Ann et Marie-France. Le second est double et plus intimiste.

Plus surprenant encore : la sortie sous son véritable patronyme (Levenbach) de Dave Classique au printemps 2007, un recueil de mélodies et d'airs du répertoire classique (Bach, Beethoven, Gounod, Schubert) adaptés en chansons, agrémenté de l'inédit « Town Village or Hamlet ». Dave n'est jamais là où on l'attend, et c'est ce qui fait son charme, au-delà d'une silhouette qui ne voit pas les années défiler.

Un public fidèle le suit encore, mais le chanteur ne renouvelle pas les exploits d’antan. Il déclarait, déjà, dans Le Soir Illustré du 7 juin 1979 : « Je chante des chansons faciles, légères. Et après ? Si elles font le bonheur des auditeurs pendant une minute ou deux, pourquoi pas ? ».

Copyright 2010 Music Story Paula Haddad